L’articulation entre état d’urgence et pouvoirs de police du maire

Auteur(s) : David Katz et Jean-Charles Jobart, avec la collaboration de Claire Demunck et d’Erwan Royer
PDF 10 pages
Publié le 08-02-2017

Décrété dans la nuit qui a suivi les attentats du 13 novembre 2015 à Paris et à Saint-Denis, l’état d’urgence, prorogé plusieurs fois, a été maintenu jusqu’au 15 juillet 2017. Sa durée est extraordinaire comme le sont également les pouvoirs des autorités administratives (par exemple à assignation à résidence) pour assurer la sécurité face aux menaces terroristes.
Dans ce contexte, le maire, garant de l’ordre public sur son territoire, doit coordonner encore plus qu’en temps normal son action avec celle des préfets et du ministère de l’intérieur dans le respect des droits et libertés (notamment en matière d’assignation à résidence). Il ne doit pas pour autant profiter de ce régime d’exception pour adopter des mesures allant au-delà des nécessités de sécurité publique au risque d’être censuré par le juge, protecteur des droits fondamentaux.
Pour mieux maîtriser ces différents enjeux, deux articles de l’AJCT fournissent aux maires et aux autorités administratives des clés de compréhension.

Faites le point sur :

  • La légalité des arrêtés anti-mendicité et anti-glanage :
                    • champ d’application
                    • identification d’un trouble à l’ordre public
                    • contrôle de proportionnalité,
                    • risque contentieux


  • État d’urgence étatique et ordre public communal :
                   • état d’urgence, urgence de l’Éta
                   • état d’urgence et ordre public communal,
                   • état d’urgence et État de droit


L'essentiel à retenir:

L’état d’urgence fait intervenir les pouvoirs de police d’autorités étatiques et ceux d’autorités communales confrontées au respect des libertés publiques.

Extrait du livre blanc

Urgence et droits fondamentaux, tel était le thème – plus que d’actualité – de la table ronde des entretiens du contentieux organisé par le Conseil d’Etat, le 4 novembre 2016. En eff et, « [d]écrété dans la nuit qui a suivi les attentats du 13 novembre 2015 à Paris et à Saint-Denis, l’état d’urgence, prorogé ensuite […] par le législateur, est en vigueur […] depuis près d’un an [et] s’applique jusqu’au 21 janvier 2017. […] Les réflexions sur l’état d’urgence se situent dans le cadre plus large des rapports entre l’urgence et les droits fondamentaux. D’un côté, l’urgence élargit les pouvoirs des autorités de police et réduit les garanties dont disposent les citoyens. “Quand la maison brûle, on ne va pas demander au juge l’autorisation d’y envoyer les pompiers” déclarait déjà le commissaire du gouvernement Romieu dans ses conclusions sur la décision du Tribunal des confl its du 2 décembre 1902, Société immobilière de Saint-Just. […] Mais, d’un autre côté, des procédures d’urgence sont venues off rir au justiciable des voies de droit d’une grande effi cacité. Elles se sont imposées notamment pour protéger les droits fondamentaux». Ainsi s’y est exprimé Bernard Stirn, président de la section du contentieux. L’AJCT, dans son dossier consacré aux pouvoirs de police du maire confrontés aux libertés fondamentales, fournit des clés de compréhension dans le même sens, en cette période troublée. LA LÉGALITÉ DES ARRÊTÉS ANTI-MENDICITÉ ET ANTI-GLANAGE par David Katz Premier conseiller des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel, professeur associé à l’université de Bordeaux La théorie selon laquelle les milieux urbains se structurent en cercles concentriques ne signifi e pas nécessairement que les centres d’intérêts commerciaux, historiques ou touristiques se trouvent désertés par les personnes en état de grande précarité. Ces lieux restent des secteurs attirants pour pratiquer la mendicité, qui est une activité dépénalisée depuis 1994. Dans le même registre, le paysage urbain contemporain accueille aussi des « glaneurs » ou « glaneuses » dont l’image ne correspond pas à celle que suggère la peinture du XIX e siècle : aucune meule de foin en arrière-plan ni aucune activité agricole, mais des trottoirs où sont stockées des poubelles que des personnes viennent fouiller pour récupérer soit des denrées alimentaires, soit des objets potentiellement réutilisables ou revendables (ce que l’on appelle également le « chiffonnage »). Or, ces activités peuvent provoquer des troubles à l’ordre public, par exemple en raison d’une insécurité liée aux entraves occasionnées à la circulation sur la voie publique ou en raison de l’atteinte à la salubrité publique. Les maires de certaines communes souhaitent alors parfois utiliser la force juridique attachée à leur pouvoir de police administrative comme une force centrifuge agissant à l’encontre des populations marginalisées ou, du moins, des pratiques que celles-ci adoptent généralement. Dans ce contexte, se pose la question de la légalité des arrêtés de police dits « anti-mendicité » et « anti-glanage ».